Note : Ce billet a été finalisé le 6 octobre et publié le 27 octobre. Au moment de la finalisation, l’autrice, Béatrice Moen, était stagiaire à la FCEI. Elle ne travaille plus pour la FCEI.
Les petites et moyennes entreprises (PME) canadiennes contribuent à former la majorité de la main-d’œuvre au pays. Représentant 98 % des entreprises canadiennes et employant près de 8 millions de personnes (soit environ 64 % des employés du secteur privé), les PME offrent un tremplin crucial pour apprendre, développer des compétences et acquérir une expérience précieuse, particulièrement aux jeunes travailleurs et aux personnes avec peu d’expérience professionnelle1. Ces entreprises sont souvent le tout premier employeur des nouveaux travailleurs, faisant d’elles des portes d’entrée essentielles vers le marché du travail et chevilles ouvrières dans la constitution de la main-d’œuvre de demain.
À l’heure actuelle, l’embauche ralentit et le taux de chômage grimpe. Le gouvernement du Canada a annoncé de nouveaux investissements dans le développement des compétences et de la main-d’œuvre, signe que la formation et le perfectionnement professionnel sont une pierre angulaire de l’économie nationale2. Or, ce sont des initiatives qui privilégient la formation formelle (cours, ateliers et séminaires qualifiants), le perfectionnement professionnel et les stratégies sectorielles, alors que 91 % des propriétaires de PME disent recourir à la formation informelle et en cours d’emploi3.
Le présent billet vise ainsi à démontrer les investissements en formation des PME, notamment à partir du sondage mené en 2023 par la FCEI sur le sujet. Les données montrent que la moitié des PME canadiennes consacrent au moins 40 heures par an à l’offre de formation informelle à un employé sans expérience professionnelle, ce qui équivaut à plus ou moins 5 jours ouvrables4. Ce travail de formation se fait parallèlement aux activités quotidiennes et s’ajoute à l’intégration de recrues expérimentées et au développement des compétences du personnel déjà en poste. Ainsi, les PME du Canada investissent environ 657,8 M$ par an dans la formation informelle de nouveaux employés sans expérience. Sans reconnaissance explicite de la formation informelle, la véritable contribution des PME à l’écosystème de compétences du pays est sous-estimée même si elles jouent un rôle de premier plan pour recruter de nouveaux travailleurs et développer leurs compétences.
Les types de formation offerts par les PME
Les PME canadiennes recourent à la fois à la formation formelle et informelle. La formation formelle consiste à favoriser le perfectionnement du personnel par le biais de cours, d’ateliers et de séminaires qui mènent typiquement à un certificat ou un diplôme. La formation informelle consiste à offrir de la formation en cours d’emploi par des superviseurs ou des collègues pour aider le personnel à se mettre à jour, à effectuer un transfert des connaissances au sein de l’entreprise ou à intégrer des recrues. Le choix du modèle dépend de divers facteurs, comme les pénuries de main-d’œuvre et de compétences, la situation économique, les besoins du secteur, le coût et l’accessibilité des formations ainsi que l’existence d’une aide gouvernementale.
Source: FCEI, Sondage sur la formation en entreprise, octobre 2023, n = 1 642.
Question: Quel type de formation offrez-vous à vos employés? (Sélectionner une seule réponse)
Alors que seulement 3 % des PME recourent exclusivement à la formation formelle, plus d’un tiers (36 %) emploient exclusivement la formation informelle. Dans l’ensemble, 91 % des PME canadiennes donnent de la formation informelle à leur personnel (figure 1).
Ce recours exclusif à la formation informelle devient de plus en plus marqué à mesure que la taille de l’entreprise diminue (figure 2). Cette tendance reflète certaines dynamiques propres aux PME, qui tendent à privilégier les structures organisationnelles horizontales, où les employés cumulent souvent plusieurs rôles, interagissent régulièrement avec d’autres membres du personnel et collaborent étroitement avec le propriétaire de l’entreprise. Ces caractéristiques facilitent et enrichissent la formation informelle comme moyen principal de partager des connaissances et de développer des compétences, un modèle qui cadre parfaitement avec le fonctionnement quotidien d’une PME.
Source: FCEI, Sondage sur la formation en entreprise, octobre 2023, n = 1 642.
Question: Quel type de formation offrez-vous à vos employés? (Sélectionner une seule réponse)
Valeur de l’investissement des PME en formation informelle
Les PME du Canada consacrent énormément de temps et de ressources à la formation de nouveaux employés ayant peu ou n’ayant pas d’expérience professionnelle : la moitié d’entre elles affirment y allouer au moins 40 heures par an pour chaque recrue inexpérimentée. Chez les employés de premier échelon, on estime que le coût de la formation informelle atteint 657,8 M$ par année (figure 3, voir la section sur la méthodologie pour obtenir de plus amples renseignements). On peut donc conclure que les PME canadiennes dépensent approximativement 610,40 $ par année pour former un nouvel employé sans expérience (figure 4).
Sources:
Les PME canadiennes sont fières d’offrir de la formation à leur personnel. Formant la majorité de la main-d’œuvre au Canada, les PME jouent un rôle crucial en aidant les jeunes et les débutants à s’initier au monde du travail, à développer des compétences essentielles et à gagner la confiance nécessaire pour se lancer dans une longue carrière. La formation aide également les propriétaires d’entreprise à s’ajuster aux pénuries chroniques de main-d’œuvre et de compétences, à accroître leur productivité et à améliorer la rétention du personnel.
« On met beaucoup de temps et d’énergie à former des travailleurs spécialisés, ce qui se fait essentiellement sur le lieu de travail. C’est très difficile de trouver du personnel expérimenté : on doit continuellement embaucher des personnes sans expérience et mettre les bouchées doubles pour bien les former. Nos travailleurs d’expérience sont donc occupés à former les autres, ce qui les empêche de travailler aussi efficacement qu’ils le pourraient et se répercute sur notre productivité. Résultat, nos marges de profit diminuent. L’âge moyen des travailleurs spécialisés d’expérience est préoccupant. La majorité d’entre eux prendront bientôt leur retraite. Le manque de main-d’œuvre est énorme. On n’arrive pas à former assez rapidement. »
– Construction, 0 à 4 employés, Nouveau-Brunswick
Les programmes gouvernementaux de compétences et d’aide à l’emploi ne sont pas accessibles aux PME
Bien que les gouvernements fédéral et provinciaux proposent du soutien pour la formation formelle et informelle, en 2023, seulement 23 % des PME avaient participé à un programme gouvernemental d’aide à la formation et à l’emploi dans les trois années précédentes5. Au niveau fédéral, dans le cadre des Ententes sur le développement du marché du travail (EDMT) et des ententes sur le développement de la main-d’œuvre, on verse chaque année quelque 3 G$ aux gouvernements des provinces et des territoires, qui sont chargés de créer et d’opérer des programmes de développement des compétences et d’aide à l’emploi6. Les programmes les plus souvent cités comme ayant été utilisés par les PME comprennent Emplois d’été Canada et divers programmes de subventions salariales, des programmes de formation parrainés par les employeurs (comme le Programme de subventions Canada-Ontario pour l’emploi) et des programmes d’apprentissage.
Parmi les facteurs expliquant la faible participation à ces programmes, « Nous ne les connaissons pas » a été la réponse la plus fréquente (68 %) (figure 5). Beaucoup de propriétaires de PME en ignoraient l’existence avant de répondre au sondage de la FCEI.
« Je ne savais pas qu’il y avait de l’aide pour la formation. Je ne sais même pas où chercher! »
– Services sociaux, 5 à 19 employés, Ontario
« Je ne connais pas de programmes gouvernementaux pour la formation. Où peut-on voir ce qui est proposé? »
– Commerce de gros, 5 à 19 employés, Ontario
D’autres obstacles freinent également la participation des PME : la complexité du programme et le fardeau administratif (42 %), l’inadéquation aux besoins (36 %), les contraintes de temps (27 %) et l’inadmissibilité (26 %).
Figure 5
Facteurs empêchant les entreprises d’accéder au soutien gouvernemental à la formation
Sources: FCEI, Sondage sur la formation en entreprise, octobre 2023, n = 1 195.
Question: Quels facteurs vous empêchent de bénéficier des programmes de soutien à la formation parrainés par le gouvernement? (Sélectionner toutes les réponses pertinentes)
« La majorité des programmes semblent s’adresser aux grandes entreprises. »
– Construction, 0 à 4 employés, Ontario
« Les incitatifs gouvernementaux ne font qu’alourdir le fardeau administratif : les entreprises doivent se conformer pour pouvoir obtenir du financement ou des allègements fiscaux. Ce n’est pas toujours simple à faire. »
– Fabrication, 5 à 19 employés, Alberta
« Nous avons déjà participé à des programmes de formation parrainés par le gouvernement. Mais il y avait TELLEMENT de paperasserie que ça n’en valait pas vraiment le coup. »
– Services professionnels, 5 à 19 employés, Alberta
Même si le financement accordé pour l’aide à la formation et à l’emploi est important, celui-ci perd de son sens si les PME ne sont pas réellement incluses et capables d’y accéder. Si rien n’est fait pour éliminer les obstacles qui perdurent, les nouveaux investissements risquent de laisser pour compte ces mêmes entreprises qui forment principalement la main-d’œuvre émergeante.
Recommandations
Pour résoudre ces problèmes et exploiter le plein potentiel des PME dans la constitution de la main-d’œuvre canadienne, la FCEI recommande les mesures suivantes :
Les PME sont la pierre d’assise du marché du travail canadien, et fournissent une formation essentielle aux recrues et aux travailleurs sans expérience. Pourtant, on sous-estime souvent leur précieux apport au développement de la main-d’œuvre, et les coûts de formation – surtout en ce qui concerne la formation informelle – demeurent un obstacle à la croissance et à la rétention. Dans un contexte où le chômage chez les jeunes atteint 15 %, il est primordial d’aider les PME à embaucher, former et garder à l’emploi les jeunes sans expérience10. Reconnaître et préserver la valeur de la formation informelle, c’est investir non seulement dans les PME, mais aussi dans la productivité, l’innovation et la croissance économique à long terme du Canada.
Méthodologie et données
L’analyse combine des données de sondage, des indicateurs salariaux et des statistiques sur l’emploi pour estimer la valeur de la formation informelle donnée par les PME canadiennes. La démarche et les sources de données sont décrites ci-dessous :
Références
1 Innovation, Sciences et Développement économique Canada, Principales statistiques relatives aux petites entreprises 2024, tableau 4. Consulté le 16 septembre 2025.
2 Cabinet du premier ministre, Le premier ministre Carney annonce de nouvelles mesures visant à protéger, à bâtir et à transformer les industries stratégiques du Canada. Publié le 5 septembre 2025.
3 FCEI, Sondage sur la formation en entreprise, octobre 2023, n = 1 642. Question : Quel type de formation offrez-vous à vos employés? (Sélectionner une seule réponse)
4Le chiffre 40 correspond au nombre médian d’heures consacrées annuellement à la formation informelle d’une recrue sans expérience préalable, d’après les réponses de 2 102 propriétaires de PME. La moyenne est de 120 heures, ce qui représente approximativement 15 jours ouvrables par an.
5 FCEI, Sondage sur la formation en entreprise, octobre 2023, n = 1 552. Question : Au cours des trois dernières années, avez-vous eu recours à des programmes de soutien à la formation parrainés par le gouvernement (p. ex., crédits d’impôt pour la formation, subvention salariale, service Jumelage-emploi, programmes d’apprentissage intégré au travail, etc.)? (Sélectionner une seule réponse)
6Emploi et Développement social Canada, Ententes relatives au marché du travail. Consulté le 16 septembre 2025.
7FCEI, Sondage spécial sur l’assurance-emploi, du 28 janvier au 17 février 2021, n = 4 901.
8FCEI, Sondage sur la formation en entreprise, octobre 2023, n = 1 628. Question : Parmi les éléments suivants, lesquels vous motiveraient à offrir plus de formation en général (formelle et informelle)? (Sélectionner trois réponses au maximum)
9Statistique Canada, Le Quotidien — Enquête sur la population active, août 2025.
10 Statistique Canada, Classification nationale des professions (CNP) 2021 pour Analyse par catégorie de FEER (formation, étude, expérience et responsabilités) – Renseignements généraux. Consulté le 16 septembre 2025.
11 Innovation, Sciences et Développement économique Canada, Principales statistiques relatives aux petites entreprises 2024, figure 8. Consulté le 16 septembre 2025.