Impact financier des pénuries de main-d’œuvre au Québec

Estimation des pertes de revenus subies par les PME dans la dernière année

Introduction

Le manque de main-d’œuvre est actuellement le deuxième enjeu le plus difficile (86 %) pour les petites et moyennes entreprises (PME) du Québec, juste après la hausse de certains coûts (87 %) (essence, intrants, assurances, etc.) et devant les coûts imposés par les gouvernements (81 %)1 . C’est dans l’objectif de mettre en lumière les conséquences de cet enjeu que la FCEI tente d’estimer le montant total des pertes essuyées par les PME québécoises2 dues aux refus et aux retards touchant certains contrats au cours de la dernière année, à cause des pénuries de main-d’œuvre. Cette étude vient accompagner le rapport sur l’impact des pénuries pour les PME du Québec3 sorti en avril dernier.

Les différents effets des pénuries de main-d’œuvre sur les PME

Cette section met en lumière les effets des pénuries et approfondit les différentes conséquences du manque de personnel sur les propriétaires de PME québécoises. Les impacts peuvent prendre plusieurs formes et s’accumuler. En particulier, le manque de main-d’œuvre peut affecter le nombre d’heures travaillées par les propriétaires et leurs employés, ralentir le service et la production, mais aussi empêcher certaines ventes et forcer l’annulation de contrats. En effet, selon la figure suivante, la majorité des propriétaires (63 %) ont dû travailler plus d’heures pour compenser et 45 % ont indiqué que leurs employés ont travaillé plus d’heures. Le troisième impact le plus fort se fait ressentir dans le refus des ventes ou des contrats (39 %), alors que 12 % indiquent avoir pris du retard dans certains contrats.

La prochaine section tentera de mesurer les pertes liées aux perturbations affectant les ventes ou les contrats. Il est important de noter que le montant des pertes générées par des refus est parfois difficile à estimer (en particulier selon le secteur, où une quantité plus élevée de petites ventes ou de petits contrats peuvent être déclinés).


Figure : Effets des pénuries de main-d’œuvre sur les PME
penuries-de-main-doeuvre-quebec-figure1

Source : FCEI, Sondage Omnibus Québec, mars 2022, n = 1 328.
Remarque : Les répondants pouvant sélectionner plus d’une réponse à la fois, le total des pourcentages peut excéder 100.
Question : Quels effets les pénuries de main-d’œuvre ont-elles sur votre entreprise? (Sélectionner toutes les réponses pertinentes)

 

Pertes pour les PME du Québec

En se basant sur ces données de sondage sur les perturbations affectant les ventes ou les contrats, la FCEI a pu calculer une partie des pertes associées aux pénuries de main-d’œuvre par les propriétaires de PME du Québec (voir l'annexe pour plus de détails sur la méthodologie). Dans le tableau suivant, le montant total des pertes sur la dernière année est de plus de 10,7 milliards de dollars. Les secteurs de la construction et des services professionnels et administratifs affichent notamment tous les deux des pertes supérieures à 2 G$. Plusieurs facteurs expliquent ces montants : 1) la taille (le nombre de PME) de ces secteurs, 2) la proportion élevée d’entreprises ayant indiqué avoir refusé des contrats ou des ventes dans la dernière année, et 3) la part plus grande de pertes par rapport à leur chiffre d’affaires. Les résultats détaillés de ces deux dernières proportions sont disponibles par secteur dans le Tableau A1 figurant en annexe.

Tableau : Pertes financières des PME québécoises par secteur (en millions de $)
Sector Pertes par secteur (en millions de $)
Construction 2 219,7
Services professionnels et administratifs 2 078,0
Commerce de gros et transport 1 204,2
Hébergement/restauration 1 024,4
Commerce de détail 971,8
Services personnels et divers 893,9
Fabrication 702,8
Agriculture et ressources naturelles* 256,5
Autres services*, ** 1 417,8
Total 10 769,2

Source : FCEI, Sondage Omnibus Québec, mars 2022, n = 397.
Remarques  :
 *Petit échantillon, à utiliser avec prudence (<30).
 **Les autres services comprennent les secteurs des services sociaux et celui des arts, loisirs et information.

Bien que le coût estimé des pénuries de main-d’œuvre en matière de pertes de ventes et de contrats soit considérable pour les propriétaires de PME, il est important de noter qu’il ne représente pas nécessairement autant de pertes nettes pour l’économie québécoise. En effet, les fonds non investis dans ces contrats ou dans certaines ventes ont pu être réaffectés à d’autres projets ou constituer d’autres dépenses pour les PME, et les clients perdus ont pu dépenser leur argent autrement au Québec.

Néanmoins, ces pertes de plus de 10,7 G$ représentent autant de revenus qui auraient pu aider considérablement les entreprises concernées, notamment en leur permettant de composer avec le manque de personnel en investissant dans l’automatisation ou en augmentant les salaires. Par ailleurs, ce manque à gagner n’arrive pas au meilleur moment pour les PME québécoises, à l’heure où 62 %4 d’entre elles sont confrontées au remboursement de leur dette COVID (108 000 $ en moyenne)5 et seules 46 % ont des revenus normaux. Par ailleurs, d’autres défis les attendent actuellement puisque 87 % et 81 % trouvent difficile de faire face à la hausse des prix (énergie, intrants) et aux différents coûts imposés par les gouvernements6, respectivement.

Conclusion

Les pénuries de main-d’œuvre ont plusieurs impacts différents, dont celui des annulations de contrats et de ventes par les PME du Québec. Il est essentiel de ne pas négliger les conséquences de ces pertes, puisqu’elles pourraient s’accroître dans les années à venir si notre approche du marché du travail reste inchangée7.

Les PME sont le poumon de l’économie québécoise, ainsi, les difficultés liées à l’enjeu des pénuries ainsi que les pertes financières associées ne sont ni favorables à leur rétablissement postpandémique ni à leur prospérité.

Documents connexes

Date de publication Rapport Télécharger
Août 2022 Impact financier des pénuries de main-d’œuvre au Québec : estimation des pertes de revenus subies par les PME dans la dernière année PDF (3.3 Mo)

 


Notes de bas de page :

  1. FCEI, sondage Votre voix – Avril 2022, n = 440.
  2. Seules les PME québécoises ayant un intervalle de revenu compris entre 30 000 $ et 5 M$ sont considérées dans ce chiffre.
  3. Rapport de sondage de la FCEI : Impact de la pénurie de main-d’œuvre pour les PME du Québec, FCEI, 2022.
  4. Tableau de suivi de la santé des PME, https://www.jechoisispme.ca/sante
  5. Deux ans de COVID-19 pour les PME du Canada, FCEI, 2022.
  6. FCEI, sondage Votre voix – Avril 2022, n = 440.
  7. Bomal, Laure-Anna, Retour en force des pénuries de main-d’œuvre, FCEI, 2021.
Sujets dans cet article :