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Productivité au Canada : comment libérer BEAUCOUP plus de temps et de ressources dans notre économie

4 avril 2024
Simon Gaudreault

 

La productivité est, y compris très récemment, un sujet brûlant au Canada.

Mesurée par le travail (en PIB par heure travaillée), le capital, les matériaux ou même une combinaison de ces éléments, la productivité est essentiellement une mesure de notre efficacité à produire quelque chose par rapport aux ressources que nous utilisons. Être capable de développer notre économie en produisant des biens et des services de plus grande valeur ou en utilisant moins de main-d’œuvre ou d’énergie, par exemple, nous rendra globalement plus productifs en tant que pays. Cela générera ou libérera à son tour des actifs que nous pourrons réaffecter ailleurs sous la forme de meilleurs salaires pour les travailleurs, de profits plus sains pour les entreprises (y compris les plus petites) et d’un niveau de vie plus élevé pour tous les Canadiens.

Bien que la productivité soit un aspect crucial de notre vie économique, elle n’est malheureusement pas sur une bonne voie à l’heure actuelle au Canada. En fait, comme le montre le graphique ci-dessous, la croissance de notre productivité est assez faible depuis un bon bout de temps, par rapport à la plupart des autres pays développés.

En moyenne, entre 1981 et 2022, la croissance annuelle de la productivité du travail au Canada, en Ontario ou au Québec a été dépassée par celle de la plupart des pays de l'OCDE

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Source : Productivité et prospérité au Québec – Bilan 2023, Centre sur la productivité et la prospérité – Fondation Walter J. Somers, Somers, HEC Montréal, mars 2024.
Remarque: * OCDE19 = moyenne pour les pays étrangers énumérés dans le graphique, ce qui exclut le Canada, l’Ontario et le Québec.

Comme le montre la comparaison entre le Canada et les États-Unis dans le graphique suivant, ce manque de croissance de la productivité, ou en d'autres termes notre lente progression vers une production plus élevée par heure travaillée, a eu un impact très important sur notre niveau de vie, mesuré en PIB réel par habitant.

Le niveau de vie au Canada perd du terrain par rapport à celui des États-Unis, comme l’illustre l’écart croissant du PIB réel par habitant (indice : T1 2016 = 100).

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Source : Statistique Canada, tableaux 36-10-0104-01 et 17-10-009-01; U.S. Bureau of Economic Analysis, Table 1.1.6. Real Gross Domestic Product, Chained Dollars
Remarque : Adapté de Stéfane Marion, Attirer les investissements privés : La seule issue pour le Canada, Étude spéciale, Banque nationale du Canada, mars 2024.

Notre niveau de vie, autrefois parmi les plus élevés des économies avancées, est désormais inférieur à la moyenne de l’OCDE après avoir perdu du terrain pendant plusieurs décennies, non seulement par rapport aux États-Unis, mais aussi par rapport à plusieurs autres pays développés comme la Suède et l’Australie. C’est important parce que cela aura éventuellement un impact significatif – certains disent que cela a déjà eu un impact – sur notre capacité à attirer les meilleurs talents, à construire des infrastructures de premier ordre ou à fournir un filet de sécurité sociale adéquat aux Canadiens.

La clé pour inverser cette faible progression de notre niveau de vie est de résoudre notre problème de productivité.

La productivité canadienne pourrait être augmentée en modernisant la réglementation, libérant ainsi 205 millions d'heures ou 11 milliards de dollars actuellement engloutis par la paperasse et la bureaucratie

Une mesure populaire de la productivité est la productivité du travail, mesurée en PIB par heure travaillée. Les méthodes conventionnelles pour envisager une amélioration de la productivité du travail impliquent généralement une augmentation d’un certain type d’investissement : plus d’équipement disponible pour chaque travailleur, plus d’expérience ou d’éducation par travailleur, ou une technologie améliorée.

Si l’augmentation des investissements constitue une solution parfaitement valable (et nécessaire) à notre manque de productivité, compte tenu de l’ampleur du problème et des enjeux, il est également utile de rechercher dans d’autres directions des solutions qui rendraient les heures de travail plus productives. Par exemple, et si les travailleurs et les entreprises pouvaient libérer davantage de temps et de ressources actuellement consacrés à des tâches inutiles et les réaffecter à des tâches plus productives? Cela augmenterait certainement la productivité, même sans hausse des investissements.

C’est ici que la « magie » opère.

Il existe en fait un moyen de libérer un trésor de 205 millions d'heures ou 11 milliards de dollars, enfermé dans l'économie canadienne.

Ce trésor est actuellement englouti dans les formalités administratives auxquelles les entreprises sont confrontées presque quotidiennement.

Pour mieux comprendre, définissons d’abord ce qu’est exactement la bureaucratie. Comme notre ancienne collègue et experte en réglementation Laura Jones l’a expliqué:

Une réglementation justifiée répond à un objectif clair, génère des avantages raisonnables par rapport à ses coûts et est administrée de manière efficace et équitable. Elle comprend les lois, réglementations, règles et politiques gouvernementales qui soutiennent un marché efficient et efficace et qui offrent aux citoyens et aux entreprises la protection de la propriété intellectuelle et les autres protections dont ils ont besoin. De nombreuses règles gouvernementales (et l’administration qui les soutient) entrent dans cette catégorie.

La réglementation excessive constitue le côté obscur de la pratique réglementaire : des règles et processus gouvernementaux devenus incontrôlables. Elle fait référence à des règles, des politiques et à un service gouvernemental médiocre qui ne font que peu ou rien pour servir l’intérêt public, tout en créant des coûts financiers et de la frustration pour les producteurs comme pour les consommateurs. Parfois, l’excès est la règle ou la réglementation gouvernementale elle-même. D’autres fois, c’est la façon dont les règles gouvernementales sont administrées. Souvent, il s’agit d’une combinaison des deux.

[traduction libre]

La deuxième partie de cette définition définit à la base la bureaucratie et la paperasse.

Depuis 2005, la FCEI est pionnière dans la recherche visant à estimer le coût de la réglementation, y compris les formalités administratives, imposée par les gouvernements (fédéral, provincial, municipal) aux entreprises canadiennes de toutes tailles. La sixième et dernière édition de notre rapport de recherche révèle qu’en 2020, les PME estimaient que le fardeau de la réglementation pourrait être réduit de 28 pour cent sans sacrifier l’intérêt public. Cela suggère que la paperasse et la bureaucratie leur coûtent environ 11 milliards de dollars par an. En termes de temps, l'élimination des formalités administratives libérerait 205 millions d'heures, soit l'équivalent de 105 000 emplois à temps plein. Ce que la FCEI disait en 2020 reste vrai aujourd’hui : réduire les formalités administratives aurait un impact positif sur la productivité, les emplois et les salaires.

Cela est d’autant plus important que les PME sont souvent pointées du doigt quand il est question du manque de productivité du Canada. Cependant, les données de la FCEI soulignent une faille importante dans notre cadre réglementaire, qui freine de manière disproportionnée les plus petites entreprises (c'est aussi l'une des raisons importantes justifiant un taux d'imposition des sociétés plus faible pour les PME, et nous y reviendrons dans un prochain article). Comme le montre le graphique ci-dessous, le coût de la réglementation par employé en 2020 pour les entreprises de moins de cinq employés (un groupe qui représente la moitié de toutes les entreprises au Canada) était de 7 024 $, soit plus de cinq fois le coût de 1 237 $ par employé pour les entreprises ayant une centaine de salariés ou plus.

En 2020, le coût de la réglementation par employé pour les microentreprises était plus de cinq fois celui des plus grandes entreprises.

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Source : Le sondage de la FCEI sur la réglementation et la paperasserie a été menée en ligne du 6 novembre au 9 décembre 2020 et 4 603 propriétaires de PME du Canada ont répondu aux questions utilisées pour créer le graphique ci-dessus. À des fins de comparaison, un échantillon probabiliste comportant le même nombre de répondants aurait une marge d'erreur de +/- 1,4 %, 19 fois sur 20. Plus de détails sur la source et la méthodologie sont disponibles dans le rapport.
Remarque : Le nombre d’employés inclut le propriétaire de l’entreprise.

Notre recherche a également révélé qu’en 2020, les entreprises ont consacré en moyenne 677 heures, soit 85 jours, à la réglementation. En supposant que 28 pour cent de ce temps soit consacré aux formalités administratives, comme indiqué plus haut, nous pouvons estimer que la réduction des formalités administratives a, selon les propriétaires d'entreprise, le potentiel de faire gagner en moyenne jusqu'à 189 heures ou 24 jours à chaque entreprise, chaque année.

Compte tenu de tout cela, il n’est pas étonnant qu’une grande majorité des PME soient d’accord (avec un tiers tout à fait d’accord) sur le fait que la paperasse et la bureaucratie ont un impact significatif sur leur productivité et les ralentissent.

« La réglementation excessive réduit de beaucoup la productivité de mon entreprise et sa capacité de croissance »

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Source : Le sondage de la FCEI sur la réglementation et la paperasserie a été menée en ligne du 6 novembre au 9 décembre 2020 et 4 978 propriétaires de PME du Canada ont répondu à la question ci-dessus. À des fins de comparaison, un échantillon probabiliste comportant le même nombre de répondants aurait une marge d'erreur de +/- 1,4 %, 19 fois sur 20.
Remarque : * Moins de 40 réponses.

En outre, la même recherche a montré que si les coûts de la réglementation étaient réduits, non seulement davantage de temps pourrait être consacré aux ventes, à la R&D ou à l'amélioration des opérations commerciales, mais une part significative de l'argent économisé par les entreprises serait en réalité réinvestie dans des mesures qui feraient augmenter encore davantage la productivité : 55 % des PME investiraient dans de l'équipement ou dans une expansion (l'option la plus populaire parmi nos choix de réponses), et 30 % consacreraient une partie de l'argent à accroître la formation des employés.

Au cours des cinq décennies qui se sont écoulées depuis la création de la FCEI, la réglementation et la paperasserie ont toujours été parmi les principales préoccupations de ses membres. Il existe un ensemble de façons pour les gouvernements de faire de la réduction des formalités administratives une priorité et ainsi libérer plus de temps et de ressources pour des centaines de milliers d'entreprises. La FCEI en a souligné bon nombre chaque année à l’occasion de sa Semaine de sensibilisation à la paperasserieMC et à diverses autres occasions. En résumé, les principaux aspects de la lutte à la paperasse et la bureaucratie sont les suivants :

  • le fardeau de la réglementation doit être une priorité politique aux plus hauts niveaux du gouvernement ;
  • il faut le mesurer ;
  • les réglementations existantes doivent être soigneusement et régulièrement revues pour évaluer leur pertinence et leur efficacité ; et
  • des contraintes sur les nouvelles réglementations doivent être mises en place pour éviter d'alourdir constamment le fardeau réglementaire global.

Espérons que cette année et les suivantes, les gouvernements agiront pour réduire la paperasse et la bureaucratie comme jamais auparavant, car notre productivité et notre niveau de vie pourraient certainement bénéficier d’un coup de pouce de 11 milliards de dollars, 205 millions d'heures, ou l'équivalent de 105 000 emplois à temps plein.

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Simon Gaudreault
est économiste en chef et vice‑président de la recherche à la FCEI
Comment citer ce billet :

Simon Gaudreault, « Productivité au Canada : comment libérer BEAUCOUP plus de temps et de ressources dans notre économie », FCEI, Blogue Perspective PME, 4 avril 2024, https://www.cfib-fcei.ca/fr/rapports-de-recherche/productivite-au-canada-comment-liberer-beaucoup-plus-de-temps-et-de-ressources-dans-notre-economie.

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